28 févr. 2009

Le Grand Désert (culturel) Blanc

Lyon en tête du palmarès culturel des grandes villes françaises selon "Arts Magazine", avec un score de 102, devant Strasbourg (82), Toulouse (69) et Bordeaux (67).
Arguments :
- 105 galeries d'art.
- 10 grands événements (dont la Biennale d’art contemporain).
- 232 monuments historiques.
- 1050 candidats pour 80 places à l’École des Beaux-Arts.
(...)
Magnifique.

Ecoutons toutefois une voix quelque peu discordante :

"Oppresseurs sans le savoir et si délicieusement intentionnés, ils deviennent l’alibi d’une puissance symbolique dont les vertus leurs paraissent indiscutables – leur culture est la Culture :
-"Tel film a élevé mon âme, il est donc bel et bon" (et il est normal que mes nains soient subventionnés pour en faire des pareils)
-"Tel musée doit être gratuit, faute de quoi les pauvres n’iront pas" (comme si c’était le problème)
-"Je suis venu à cette réunion de quartier" (parce que je suis le seul à avoir suffisamment foi dans le système pour abandonner ma télé deux heures), "je suis donc représentatif"...

Le plus rigolo, c’est que la conjonction d’un système de survie économique qui passe l’éponge sur les déficits et d’un public captif qui fera toujours acte de présence tout en se sentant intensément populaire permet d’entretenir l’idée que "les gens" vont au théâtre (mais pas de boulevard), au musée (mais pas de l’automobile), au cinéma (mais pas au multiplexe) – alors qu’en fait, ce sont toujours les 500 000 mêmes qui se déplacent, profitant par procuration de la politique culturelle de l’Etat et justifiant à eux seuls la survie du système, au nom du plus grand nombre.

J’ai vu, moi, ce qui se passe vraiment quand on jette l’art au contact de ceux à qui on le refuse généralement ; ils sont en colère, ils leur colleraient des baffes à ces connards de poètes de rue à trois sous qui viennent leur déclamer dans les oreilles.
Seulement ils ne le peuvent pas, interdits qu’ils sont face à la race des possédants qui vient les narguer avec ses loisirs.
C’est là toute l’horreur des évènements censément populaires, les journées de la culture et de la poésie et du théâtre et du patrimoine ; les cultureux sont si persuadés de produire du bien commun, du rassembleur, du lien social par la culture, qu’ils n’hésitent plus, quelques fois par an, à sortir tout bêlants de leurs enclos pour venir envahir ceux qu’ils refoulent d’habitude.

Le seul vrai succès populaire dans tout ça c’est la fête de la musique, et pour une bonne raison encore : c’est en fait la fête de la bière blonde de luxe, mais personne n’ose le dire."

A.S